La Consultite

La Consultite est une étrange maladie.

Ses symptômes sont connus : Dans sa phase initiale, le patient consulte ses comptes à intervalle raisonnable (disons 1 fois par mois) mais éprouve un petit frisson chaque fois qu’il se connecte.

Puis les symptômes s’aggravent. D’une fois par mois, on passe à plusieurs fois par mois, puis c’est l’engrenage, 2 ou 3 fois par semaine, puis tous les jours et pour les cas extrêmes plusieurs fois par jour ! Ça y est, vous êtes atteint de consultite aigüe.

Vous consultez frénétiquement vos comptes, traquant les moindres variations du cours de vos actions, les plus légers frémissements de la valeur de votre portefeuille.

Même si vous vous rappelez que vous investissez sur le long terme, que c’est la valeur de vos dividendes qui importe, rien n’y fait. La fièvre vous prend chaque fois que vous ouvrez Boursorama ou Binck (qui sont dans votre barre de favori, voire constitue votre page d’accueil), les hausses et les baisses des actions vous fascinent, vous êtes scotchés sur les bandeaux de Bloomberg ou autres chaine de télévisions économiques où défilent le prix de chaque action.

Et vous contemplez le montant de vos actifs, comme Louis de Funes « écoute » son or dans la Folie des Grandeurs (il est l’or!).

 

Mais après tout, n’est-ce qu’une addiction bénigne ou c’est grave docteur ?

En fait, ça peut devenir grave pour les raisons suivantes.

« Perte vs gain »

Chaque fois que votre cerveau enregistre une perte, il vous fait éprouver une « souffrance ». Et chaque fois que vous constatez un gain, vous éprouvez un sentiment de « récompense ». Le problème est qu’à valeur équivalente, la « souffrance » est bien plus intense que la « récompense » !

Le psychologue Daniel Kahneman, lauréat du prix Nobel d’économie 2002, a démontré que nous avons une « aversion de la perte ». Quand les gens considèrent des actions futures, ils sont plus sensibles aux pertes qu’aux gains potentiels. La plupart des gens seraient ainsi environ deux fois plus sensibles aux pertes qu’aux gains.

Je vous recommande d’ailleurs la lecture de l’excellent ouvrage :Système 1 / Système 2 : Les deux vitesses de la pensée
Au moins pendant ce temps vous n’irez pas consulter vos comptes 🙂 !

Cette théorie a été confirmée par des psychologues de l’Université de Californie qui ont examiné au moyen d’imagerie cérébrale, l’activité du cerveau dans des situations de prise de décision risquée.

 

Donc imaginons le cas où  votre portefeuille revient à sa valeur initiale entre le début et la fin du mois, si vous consultez vos comptes tous les jours, même si vos gains et pertes s’annulent au cours du mois, vous éprouverez un surplus de « souffrance » au cours de ce mois !

Pour votre santé mentale, cela peut donc avoir un impact, surtout en période de forte volatilité comme en ce moment.

 

Il est dur de ne rien faire

Le deuxième point est que cette agitation risque de poser aussi de sérieux problèmes de santé… à votre portefeuille !

A se focaliser sur les mouvements browniens du marché, sur la « Bourse qui clignote et qui s’agite » pour reprendre les termes de Philippe Proudhon, on a envie d’agir, de faire quelque chose, il est presque insupportable de ne rien faire ! Et faire quelque chose en Bourse, c’est soit acheter, soit vendre !

« Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre ». Blaise Pascal –

La petite voix dans votre tête va donc vous dire « Les cours baissent ! je dois vendre ! ou racheter plus ! mais je n’ai plus de cash… ou peut être que ça va encore plus baisser ! Ah non, ça remonte, faut-il que je vende et prenne mes bénéfices ? et si ça continue à monter? que faire ? »

Quel stress… Et au final, la tentation de faire du « market timing », de prédire les hausses et les baisses, d’acheter ou vendre pour avoir l’impression de « faire quelque chose », d’être « actif », avec les frais de transaction qui en découle … Tout ce qui est à la base d’une performance médiocre pour un investisseur individuel.

 

Alors soignez-vous ! si vous sentez que la consultite vous guette, ou si vous êtes déjà atteint, imposez-vous une diète, mettez en place des stratégies pour vous désintoxiquer ! Imposez-vous de ne consulter vos comptes boursiers que le 1er et le 15 du mois par exemple.

Votre cerveau et votre portefeuille vous remercieront…

 

PS: Je suis atteint de Consultite à un stade benin. Mais je me soigne… Et vous?

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Commentaires (2)

  1. Théophile

    Bonjour,

    Cela décrit en effet très bien ce qui nous passe par la tête lorsque l’on voit le cours de nos actions varier. Il faut à chaque fois faire l’effort de se dire « tu investis pour le long terme n’oublies pas! » pour ne pas céder aux doutes…
    Personnellement, il est vrai que je regarde tous les jours les variations du cours de mes actions.

    Comment faites vous pour vous soigner?

    Bonne journée!

    Répondre
  2. Pingback: Coronavirus : quels impacts ? | Investisseur Individuel

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