La chute du cours du pétrole est-elle une opportunité?
Titre pris au hasard récemment:
« LE PÉTROLE S’ÉCROULE SOUS LES 43$, AU PLUS BAS DEPUIS 6 ANS »
Depuis plusieurs mois nous assistons à une baisse du cours du pétrole. A moins que vous ne soyez un ermite au fond d’une grotte, vous n’avez pas pu échapper au battage médiatique sur ce sujet. Certains me demandent donc : Est-ce une opportunité ? et si oui, comment en profiter ?
Avant de répondre à cette question, revenons un peu dans le passé. Les prévisionnistes et analystes spécialisés prévoyaient il y a quelques années un prix du baril de pétrole à 150$, 200$ voire 350$.
Rappelez-vous :
- Charles Maxwell , analyste principal en énergie chez Weeden & Co. (interview parut le 03 novembre 2010) : « And by 2015 we’ll be up to around $130-$150 a barrel.”
- Goldman Sachs (Mai 2008) :alors que le brut a dépassé les 100$, Arjun N.Murti n’hésite pas à prédire 200$.
- Gazprom (Juin 2008): le président de Gazprom, Alexeï Miller, le voit à 250$
- Total : Interview au Figaro : Christophe de Margerie a déclaré que les cours du pétrole allaient rester élevés. « Les cours ne pourront d’ailleurs pas descendre en dessous de leur limite technique, de 80 euros le baril». Il estimait d’ailleurs que le baril atteindrait un jour 200 dollars.
- Natixis: Avril 2005 Patrick Artus et Moncef Kaabi parlent de 380$…
Les « rationnels » de l’époque étaient les suivants : le fameux « pic pétrolier », la ressource va devenir rare, les coûts d’extraction augmentent, le pétrole est irremplaçable à court terme (énergie, plastiques, …), la demande est croissante (Chine, Inde, …).
Aujourd’hui, après la chute des cours, les mêmes « experts » ont maintenant tous de bonnes explications pour justifier cette chute :
- Aspects géopolitiques (l’Arabie Saoudite veut asphyxier le pétrole de schiste des US, ou volonté d’affaiblir l’Iran, ou la Russie, …),
- diminution de la croissance en Chine et effondrement des ex-BRIC donc diminution de la demande, assouplissement de la politique d’exportation des US,
- nouveaux gisements devant rentrer en service, donc augmentation de l’offre, etc…
Bref, encore une fois, pour citer Warren Buffett :
« Les prévisions vous en disent beaucoup sur ceux qui les font, elles ne vous disent rien sur l’avenir. »
Comment le cours du pétrole va-t-il évoluer ?
Certains prétendent que le pétrole est descendu tellement bas qu’il ne peut que remonter.
Peut-être, mais quand ? un bas de cycle peut durer très longtemps…
Pour citer Keynes : « Le Marché peut rester irrationnel plus longtemps que vous ne pourrez rester solvable ».
D’autres au contraires plaident pour un maintien des cours à un niveau très bas, comme l‘Agence internationale de l’énergie (AIE) .
Qui a raison ? Le pétrole va-t-il rester à ces niveaux, continuer à baisser ou va-t-il remonter fortement prochainement ?
Je n’en sais rien.
Mais ce n’est pas important en soi. La position de l’Investisseur Individuel n’est pas de jouer les hausses et les baisses sur les matières premières.
Nous ne sommes pas des traders qui parient sur les fluctuations du marché (il existe un tas d’instruments financiers pour cela) mais des investisseurs long terme (pléonasme).
Notre objectif premier n’est pas de gagner de l’argent avec des achats/reventes mais d’avoir un flux croissant de revenus.
Encore une fois (cf l’article sur Boule de cristal), je ne souhaite pas me lancer dans des pronostics, essayer de prévoir l’avenir (je pense que c’est rigoureusement impossible), mais simplement tirer parti des situations que nous offre le marché à chaque moment.
D’ailleurs, historiquement, les tentatives de « timing » du marché sont vouées à l’échec. (Je vous recommande par exemple la lecture d’ « Une marche au hasard à travers la bourse. »)
Pour moi, la bonne question n’est pas « que va-t-il se passer dans le futur ?» mais « comment profiter des conditions actuelles du marché ? »
Le pétrole à ses cours actuels est favorable pour tout un tas d’entreprises : les compagnies aériennes, les entreprises de transport, l’industrie chimique (AkzoNobel, Arkema, Clariant et Solvay), etc…
Cela se traduira-t-il par une hausse des cours de ces sociétés? Ce n’est pas aussi simple que cela.
Certes les dépenses en matière première vont baisser, mais encore faut-il que la demande (donc les ventes, et la rentabilité) soient au rendez-vous.Et par ailleurs, toutes les informations connues des investisseurs individuels sont connues des professionnels depuis plus longtemps, et déjà intégrées dans les cours…
A contrario, les cours bas du pétrole ont entraîné des baisses sur certains secteurs.
Comme nous souhaitons acquérir de bonnes sociétés à un prix raisonnable, nous avons une tendance « contrarienne », ce qui signifie que nous pouvons nous positionner sur des sociétés qui n’ont pas, ou plus, la faveur du marché, mais dont nous estimons qu’elles sont intéressantes.
Nous pouvons donc évaluer l’opportunité d’investir sur des sociétés liées au pétrole :
- Les sociétés para-pétrolières et les sociétés d’équipements et services pétrolier (Technip, Transocean, Schlumberger, …).
- Les grandes entreprises pétrolières intégrées (ExxonMobil, Chevron, BP, Royal Dutch Shell, Total…)
Nous retrouvons là un terrain plus familier : Il suffit d’appliquer les critères de sélection que nous avons vu dans les articles précédents pour estimer quelles sociétés sont intéressantes.
Si vous regardez mon portefeuille (que je rends public ici), vous constaterez que je suis investi sur un certain nombre de pétrolières et de para-pétrolières :
- Total,
- Technip,
- Royal Dutch Shell,
- Chevron
- BP (position ouverte en mars qui apparaîtra donc dans le reporting suivant)
Ce secteur de l’énergie représente aujourd’hui 11% de mon portefeuille.
Il ne s’agit bien entendu en aucun cas de recommandations d’achats, mais si vous regardez l’ensemble des critères que j’utilise et que j’ai détaillé dans les autres articles, vous pourrez vous faire par vous-même une idée des sociétés que vous pourrez juger intéressantes.
Traders ou Investisseurs ?
La réponse vous concernant vous appartient bien entendu. Vous pouvez bien sûr parier sur les futurs mouvements du prix du pétrole, avec effet de levier, en achetant des options par exemple. Cela vous procurera certainement beaucoup plus d’adrénaline, et des gains (ou des pertes !) bien plus important(e)s. Ce n’est pas, évidemment vous l’aurez compris, ce que je préconise.
Je préfère investir tranquillement en profitant des mouvements des cours de sociétés individuelles de qualité. C’est bien plus ennuyeux, mais certainement au final plus rémunérateur à long terme.
« Si vos investissements sont divertissants, si vous vous amusez, vous n’allez probablement pas faire de l’argent. Un bon investissement est ennuyeux. » Georges Soros.
Les plus grandes banques aidée des plus grands analystes prevoyaient pourtant une hausse pour les semaines a venir.