Si la question peut surprendre au départ, elle est en fait tout à fait pertinente.
A partir du moment où le rendement rentre dans nos critères (>3%), pourquoi prendre en compte le prix ? Si le cours monte : on gagne en capital. Si le cours baisse : c’est une bonne occasion de renforcer.
Le prix en tant que tel ne devrait donc pas rentrer en ligne de compte.
C’est d’ailleurs une méthode d’investissement tout à fait valable. En retirant le critère de prix, on enlève une partie de la difficulté, et en moyennant régulièrement, on obtient un PRU (Prix de Revient Unitaire) au final correct sans être exceptionnel, mais globalement on est propriétaire de «sociétés extra-ordinaires à des prix ordinaires» (Warren Buffett).
Pourquoi les critères « PR » (Prix Raisonnable) ?
Mais pour moi, je vois 5 principales raisons de prendre en compte le Prix :
1- Aspects psychologiques.
Je n’aime tout simplement pas « acheter trop cher ». Et je préfère « faire de bonnes affaires», même si je ne les recherche pas à tout prix.
Je veux bien «acheter des sociétés extra-ordinaires à des prix ordinaires» mais pas à des prix extraordinairement élevés !
Bien sûr, quand j’achète je ne sais absolument pas si le cours va monter ou descendre. Mais acheter sur des plus hauts en terme de P/E (ou d’autres critères) historiques donnent statistiquement plus de « chances » de subir des baisses sur son prix d’achat.
N’ayant pas des fonds illimités, je préfère maximiser le couple revenu/patrimoine pour chaque investissement autant que possible.
2- Marge de sécurité.
Rappelons bien que l’application des critères de sélection d’actions n’est pas une garantie à 100 %. Cette garantie n’existe pas, personne ne peut prévoir l’avenir, dans la mesure où l’environnement boursier/économique est extrêmement chaotique. Les critères décrits dans la méthode permettent juste d’augmenter la probabilité, toutes choses étant égales par ailleurs, que le dividende continue à être versé au niveau actuel ou en augmentation.
« Toute chose étant égale par ailleurs » : c’est bien là où le bât blesse. Des causes externes peuvent provoquer une baisse ou une suppression du dividende : On peut avoir une dégradation des ventes ou de la rentabilité de la société due à un environnement concurrentiel plus difficile (nouvel entrant agressif, rupture technologique,…), ou à un marché tendu ; un changement de management, et de politique de distribution ; etc…
Dans ce cas, il faudra revendre les actions , en général avec une perte car si les conditions se dégradent, le cours suit. Avoir acheté à un prix raisonnable permet de réduire les pertes en capital, donc augmenter les futurs dividendes une fois le reliquat ré-investi.
3- Maximiser ses revenus :
« Bien acheter » permet de maximiser ses revenus. En effet, le marché peut devenir « amoureux » de la société et le cours peut s’envoler (donc le yield s’effondrer). Avoir acheté au plus bas permet parfois de faire des plus-value représentant des années de dividendes, et l’argent récupéré par la vente va être réinvesti dans des sociétés offrant un meilleur yield.
C’est un de mes critères de vente. On est là dans le cas extrêmement favorable avec un effet d’intérêt composé sous stéroïde. Cela a été le cas pour moi en 2014 par exemple, avec la revente de quelques sociétés achetées 2 ou 3 ans plus tôt, avec plus de 100% de gain en capital représentant plus de 15 ans de dividendes….
4- Gain en capital
Faut-il mieux investir à 3% dans une société sur- ou sous –valorisée ? En fait si on doit garder cette société à vie et ne considérer que les revenus, cela revient au même. Mais dans un cas on risque une perte en capital, et dans l’autre un gain. Personnellement, même si les revenus représentent mon critère principal, je préfère voir mon capital s’apprécier dans la durée…
Ne serait-ce que parce qu’il n’est pas exclu que je devienne financièrement indépendant en mixant revenus des dividendes ET utilisation progressive du capital. N’ayant pas une espérance de vie infinie, on peut raisonnablement faire des simulations de consommation progressive du capital pour générer un revenu global supérieur aux revenus d’un capital bloqué (problème de transmission mis à part, mais ce n’est pas le sujet).
Mais poussons alors la logique encore plus loin : Vaut-il mieux investir dans une société survalorisée distribuant à 5 % ou dans une société sous-valorisée distribuant à 3 %? Ma réponse est qu’il y a de forte chance qu’on compare des pommes et des poires…
Soit on compare des secteurs d’activité différents et le problème de différence de rendement ne se pose pas : la diversification demande à avoir tout type de sociétés.
Pour un même secteur d’activité, cet écart se traduira soit par des rentabilités très différentes, soit par un taux de distribution très différent : l’analyse portera alors sur ces critères (ROE, FCF Payout par exemple) pour évaluer le risque et pas sur les seuls critères du yield et du prix.
Mais même si le reste était comparable, il faudrait comparer le risque de perte en capital au gain en distribution de revenu, sur la durée de votre horizon d’investissement.
5- Maintien/Croissance du dividende.
Une société sur-valorisée risque de voir son cours descendre, et donc son yield augmenter. En soi ce n’est pas gênant, mais on peut également envisager que si le yield reste à des niveaux très hauts (par rapport au secteur d’activité de la société) , le management de la société pourrait être tenté de revenir à la « normal » de son marché par la diminution du dividende. Affichant ainsi un taux de dividende correct sans être trop haut. A l’inverse, si le cours continue de monter, on peut estimer que le dividende pourrait suivre la pente ascendante également.
Je reconnais que cet argument est purement du ressenti personnel et n’est étayé par aucune étude à ma connaissance 🙂 !
Le prix reste un critère pertinent
Bref, on peut se contenter d’acheter des sociétés au dividende pérenne en appliquant simplement les critères de sélection des sociétés, mais je préconise néanmoins de ne pas acheter ces sociétés à un prix trop élevé, les pertes potentielles en capital pouvant « effacer » les gains en terme de dividendes perçus.
Et vous, qu’en pensez-vous? prenez-vous en compte le prix des actions que vous achetez? quels sont vos arguments?